Medellin : trois coups de coeur.

By Marianne Carle-Marsan
De la ville la plus dangereuse au monde à celle ayant remporté le titre de la plus innovante en 2013, Medellin se révèle aujourd’hui comme un modèle d’innovation et d’urbanisme social. De quoi passionner les amoureux de la vie urbaine et séduire ceux et celles qui rêvent de villes plus équitables.
Voici trois coups de coeur qu’elle m’a inspirés.
1-Créer du Beau dans la ville
Medellin peut se targuer d’avoir créé « le plus beau, pour les plus humbles », pour reprendre les mots du maire Sergio Fajardo, initiateur de cette métamorphose urbaine. À mon grand étonnement, de véritables chefs oeuvres architecturaux se sont érigés dans des quartiers dégradés, éloignés du centre-ville et jadis, criminalisés. Réponse aux inégalités sociospatiales, et manifestation d’innovation et de créativité, le design urbain a été une priorité pour cultiver l’identité et réaffirmer le sentiment d’appartenance des habitants-es à leur quartier. Ces projets ambitieux ont rendu la communauté attrayante de manière à lui redonner une bonne dose de dignité et de fierté. Coup de coeur, car porteur d’espoir, cet esthétisme m’a rappelé qu’on a souvent tord de sous-estimer le rôle que peut jouer la beauté de l’architecture dans le développement des villes.
2- «Remplacer les fusils par les livres»: les Parcs-bibliothèques
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Parc-bibliothèque España. Crédit: Léa Champagne.
Dans des quartiers informels, longtemps stigmatisés par la violence et la pauvreté, la Ville a construit près d’une dizaine de Parcs-bibliothèques. Ces complexes architecturaux magnifiques comprennent une place publique, une bibliothèque, des espaces culturels et de loisirs, des salles informatiques, des expositions sur la mémoire collective du quartier, un centre d’entrepreneuriat, des ateliers de recherche d’emplois, une garderie, des cours d’aérobie gratuits pour les femmes âgées, etc. Attirant des curieux, des touristes et des résidents de là ou d’ailleurs, ces parcs-bibliothèques deviennent un lieu de rencontre communautaire et un prétexte pour apprendre et vivre-ensemble. Coup de coeur, ces bibliothèques pas comme les autres, sont certainement structurantes pour la citoyenneté et la vie de quartier.
3-L’urbanisme social pour planifier autrement
Apposer le terme « social » à l’urbanisme a quelque chose de réjouissant en soi. Ici, l’aménagement urbain a été envisagé comme un projet de transformations sociales et politiques. Implantée par le maire Sergio Fajardo et son équipe au début des années 2000, cette approche se veut inséparable de programmes sociaux, culturels et éducatifs et de démarches participatives. Des quantités colossales de ressources publiques ont été investies dans les zones les plus pauvres de façon à ce que tous aient les mêmes opportunités. Les acteurs politiques se sont aussi attaqués aux inégalités en mettant en place un système de tarification sociale afin que les moins nantis puissent jouir des musées, des loisirs, du système de métro qu’offre la ville. Mais encore, plusieurs projets de revitalisation urbaine ont pris forme à travers des démarches de budget participatif ou encore des exercices de cartographie sociale donnant ainsi la possibilité de rêver et de définir son quartier. Lorsqu’on pense que Medellin a été la scène de profondes violences et d’inégalités, ces avancées, bien que fragiles, témoignent d’une résilience exceptionnelle et d’une grande volonté politique des acteurs en place à réorganiser, voire inverser leurs priorités. Message clair d’inclusion sociale, de dignité et de citoyenneté pour toutes et tous, l’urbanisme social est un coup de coeur inspirant et tout ça m’apparaît, en quelque sorte, comme une révolution dans la façon de planifier la ville.
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Titulaire d’une maîtrise en géographie, Marianne Carle-Marsan est une passionnée de vie urbaine. Elle s’intéresse aux démarches participatives en matière d’aménagement et au Droit à la ville des femmes et des personnes marginalisées. Ce billet de blogue a été rédigé suite à un séjour à Medellin en Colombie dans le cadre du septième Forum urbain mondial des Nations Unies-Habitat. Cette participation a été possible grâce à l’appui du Centre d’écologie urbaine de Montréal.