Travailler avec les villes, les provinces et les Premières nations – le Winnipeg Boldness Project

Allocution livrée au symposium de Fondations philanthropiques Canada, Toronto, 28 octobre 2015.Winnipeg Boldness
Stephen-Huddart-authorFRLe titre original de ma présentation était Travailler avec une ville et une province, mais je l’ai modifié pour mieux refléter le travail que nous faisons avec le Winnipeg Boldness Project; voici donc : Travailler avec les villes, les provinces et les Premières nations – le Winnipeg Boldness Project. Les leçons appliquées à Winnipeg viennent en partie des expériences formatives tirées de deux autres projets.
Collectivités dynamiques est un partenariat dans lequel la fondation s’est engagée avec les instituts Tamarack et Caledon – c’est un projet d’impact collectif sur dix ans en vue de réduire la pauvreté. 47 villes et neuf provinces font maintenant partie de Collectivités dynamiques Canada.
Un autre projet, ALLIÉS, a été une collaboration fructueuse entre McConnell et Maytree afin d’accroître la proportion d’immigrants qui occupent un emploi adapté à leurs compétences. C’était notre première expérience de cofinancement avec le secteur privé et des gouvernements.
En rétrospective, la réussite est claire et nette, mais nous avions parfois l’impression de faire fausse route. S’attaquer à des problèmes complexes avec les villes, les provinces et les Premières nations, disons que c’est… complexe.

S’engager envers le changement positif

Il y a deux ans, nous cherchions un endroit où améliorer les résultats liés au développement de la petite enfance en milieu autochtone, peut-être par l’entremise de l’ancrage social. Nous sommes allés à Point Douglas, dans le nord de Winnipeg, un quartier de 50 000 habitants dont plusieurs vivent dans conditions de stress toxique. 87 % des bébés autochtones nés ici sont considérés à risque; 50 % des enfants autochtones sont considérés comme inaptes à apprendre à leur arrivée à la maternelle; et 20 % des enfants nés ici sont retirés de leur famille et confiés à l’État. Un contexte tout à fait inacceptable. 
Mais derrière ces sombres statistiques, nous avons aussi trouvé une vive inquiétude et un profond engagement à changer les choses, d’abord dans le quartier de Point Douglas, mais aussi de la part de la ville de Winnipeg et la province du Manitoba. Il a fallu de la patience et de la ténacité pour gagner la confiance des gens et les faire embarquer. Comme le dit la directrice du projet, Diane Roussin, il a fallu négocier serré avec une mafia en jupe qui protège farouchement les siens avant d’amorcer le travail.
Le fait que le Winnipeg Poverty Reduction Council – mené par le milieu des affaires – ait participé à Collectivités dynamiques a aidé à convaincre le secteur privé.
Cela a également facilité les choses que la province dispose d’un comité ministériel pour Enfants en santé, qui réunit huit ministres, dont un leader de la collectivité autochtone de Point Douglas.

Lancement du Connie Walker_FRWinnipeg Boldness Project

Le projet vise à élaborer une stratégie de développement de la petite enfance étalée sur six ans – un modèle axé sur la famille pour l’éducation des enfants, mariant la sagesse de la collectivité aux meilleures pratiques modernes, avec un discours fondé sur les atouts, qui fait ressortir la sagesse et l’esprit communautaire de Point Douglas. 
Cinq femmes – dont quatre Autochtones – ont été embauchées pour mener le projet. En plus de la directrice générale, il y a une directrice de recherche et son adjointe; une gestionnaire des communications et une coordonnatrice de projet.
Quatre mois plus tard, le milieu avait identifié quatre priorités :

  • axer la prise de décision des services sociaux sur la famille
  • offrir des programmes de soutien à l’intention des papas
  • procurer un système de transport accessible
  • offrir un programme de leadership communautaire

À ce moment-là, les gens ont décidé qu’ils ne voulaient plus travailler avec les deux concepteurs ayant guidé le projet jusque là. Soudain, tout le projet était menacé.
Quand nous avons rencontré la collectivité, les gens ont admis qu’ils ne savaient pas vraiment comment continuer.
Nous avons invité trois membres de l’équipe locale au CKX – le Community Knowledge Exchange – à Toronto, où ils ont rencontré Joeri van den Steenhoven du MaRS Solutions Lab. Après avoir été invité à le faire, Joeri a accepté de guider la collectivité pour la suite des choses. De fait, il s’est engagé à donner aux gens du milieu les moyens de mener leur propre lab. 
Trente personnes ont participé au premier lab étalé sur deux jours. La ministre responsable d’Enfants et perspectives pour la jeunesse était là, avec des leaders du monde des affaires, le service municipal de santé, des mères-chefs de famille monoparentale et un papa qui restait à la maison pour s’occuper de six enfants. Participant d’abord sceptique, Ovide Mercredi a conclu que c’était un succès!

Jan Sanderson_FRQu’avons-nous appris jusqu’ici?

En deux mots, voici les leçons tirées du processus à ce jour :

1) Un objectif audacieux galvanise les gens

L’attention des gens a été captée par l’objectif d’assurer que chaque enfant du quartier nord soit prêt à apprendre dès son entrée à l’école. Ce n’est pas pour rien que le projet ne s’appelle pas Améliorons un peu les choses à Winnipeg.

2) Présentez vos respects au ministre, mais liez-vous d’amitié avec le sous-ministre

Nous avons la chance d’avoir à Winnipeg un groupe de sous-ministres et de sous-ministres adjoints talentueux et dévoués qui croient activement au projet. Une des sous-ministres, Jan Sanderson, a plus particulièrement été la championne dont nous avions besoin pour garder le cap. Tout au long du projet, elle nous a guidés et nous a mis au défi.

3) Ne financez pas juste un projet, financez des expériences

Le gouvernement hésite à prendre des risques avec les fonds publics. En engageant d’abord nos propres fonds, nous avons atténué en partie le risque lié à la participation du gouvernement. Pour citer Diane Roussin, il est impossible d’avancer si on est paralysé par la crainte de se tromper.

Dianne Roussin_FR4) Faites raconter une histoire aux chiffres

Il faut recueillir dès le début des preuves qui démontrent l’efficacité de ce genre de travail. Nous avons décidé assez vite d’ajouter le projet du Bon d’études canadien, géré par la Fondation Omega, pour avoir des réussites rapides à montrer au gouvernement. Dans le quartier nord de Winnipeg, il y a 10 000 enfants admissibles au Bon d’études canadien de 2000 $, mais 8000 ne le reçoivent pas. Ça fait 16 millions $ qui ne vont pas au financement des études postsecondaires d’enfants à faible revenu, au financement d’entreprises sociales, au financement d’infrastructures, etc. 
L’un des nombreux obstacles liés au Bon d’études canadien, c’est qu’il faut un certificat de naissance. La province les vend 25 $ – c’est parfois trop pour une famille à faible revenu. Faites le calcul. Est-il logique de rater un investissement de 16 millions $ dans l’éducation des enfants pour collecter 200 000 $? Quand nous avons présenté cet argument au gouvernement, il dispensé de ces frais les familles désireuses de faire une demande de Bon d’études. 

5) Une génération de la réconciliation

En conclusion, l’objectif le plus important du Winnipeg Boldness Project est de changer les systèmes dont dépendent les enfants et les familles du quartier nord. L’éducation, les soins de santé, les services sociaux et même les banques. Un impact de cette nature va assurer des changements positifs durables et favoriser l’émergence d’une génération de la réconciliation.
Merci.