Qu’est-ce que le journalisme de solutions? Entrevue avec David Bornstein

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Cofondateur du réseau américain Solutions Journalism Network et chroniqueur régulier au New York Times, David Bornstein était un invité spécial de la fondation à l’occasion de la retraite qui s’est tenue à l’île Wasan au début de juin sur le thème « Le journalisme du 21e siècle permettra-t-il d’affronter les enjeux du 21e siècle? ».
Le texte ci-dessous est une transcription révisée d’une entrevue avec David Bornstein, au cours de laquelle il explique certaines idées à la base du journalisme de solutions et donne quelques exemples de réussite dans le domaine aux États-Unis et au Canada.

Quelle est la différence entre le journalisme et le journalisme de solutions ??

BORNSTEIN: En gros, le journalisme aide la société à corriger ses erreurs en aidant les gens à comprendre la nature des lacunes. Selon la théorie du changement, il est nécessaire de connaître, d’éclairer les coins sombres de la société, ainsi que de sensibiliser les gens à ce qui se passe et, s’il le faut, de susciter de leur indignation.
SOJU
[…] Aujourd’hui, beaucoup d’institutions sont à réinventer, […] parce qu’elles ont été établies au 19e ou au 20e siècle et ne sont pas adaptées aux enjeux du 21e siècle pour diverses raisons, par exemple en raison des limites de la capacité de la planète à pourvoir à nos besoins, du réchauffement climatique et de l’accélération fulgurante du changement.
Le rôle du journalisme n’est pas seulement de faire le ménage au sein des vieilles institutions, mais aussi d’aider les gens à comprendre les connaissances que nous devons acquérir, au 21e siècle, dans ce monde en constante évolution, pour améliorer ces institutions ou pour en créer de nouvelles. Les connaissances requises ne consistent donc pas seulement à savoir quels sont les problèmes, mais aussi à savoir quelles sont les idées émergentes, où trouvez ces connaissances et d’où émergent les nouveaux modèles.
 

Vous avez travaillé pour le Seattle Times sur le projet Education Lab. De quelle façon ce projet montre-t-il que le journalisme de solutions peut ouvrir la voie au changement au sein d’un système donné ?

A group of sophomore students, including sophomore Oscar Anaya, during an assembly at Rainier Beach High School on February 26th, 2015. The successful International Baccalaureate program at Rainier Beach High School is run by IB coordinator Colin Pierce.BORNSTEIN: Le projet Education Lab project du Seattle Times a montré que le journalisme de solutions, lorsqu’il traite des questions d’éducation, mène à des changements positifs dans la ville, notamment en matière de politiques.
C’est particulièrement convaincant lorsque tu arrives à présenter une école qui suspend cinq fois plus d’enfants que la normale et que tu la compares à une autre qui avait ce problème et qui l’a résolu.
Dans un cas comme celui-là, si tu n’effectues qu’un reportage de suivi et que tu ne vas pas plus loin, tu présentes une histoire d’indignation. Le journalisme de solutions consiste à montrer qu’il est possible d’améliorer la situation, en allant au-delà de l’article d’opinion du type « il faut mieux faire » et en présentant, par exemple, deux ou trois parties prenantes qui ont mis différents modèles à l’essai et les résultats qu’elles ont obtenus.
La deuxième chose que les journalistes qui font ce type de journalisme remarquent, après un certain temps, est qu’ils ont attiré une nouvelle audience et amené les gens à porter une plus grande attention à des situations souvent peu mobilisatrices.

Vous habitez la ville de New York et y travaillez depuis longtemps. De votre point de vue, à quoi ressemble le paysage médiatique canadien ? Est-ce qu’il y a des choses qui vous surprennent ?

BORNSTEIN: Je retourne souvent à Montréal pour voir ma famille, mais je ne suis pas les grands changements qui s’opèrent au Canada. J’ai été plutôt surpris d’apprendre ce qui se passait avec Postmedia et à quel point la situation était grave.
Pour ce qui est de la convergence, j’ai été carrément sidéré, pour ne pas dire effrayé de voir l’ampleur de la concentration des médias d’information au Canada. Je n’avais pas réalisé que certaines choses que je tiens pour acquises aux États-Unis, comme les fondations soutenant les organisations qui pratiquent le journalisme d’enquête, n’existent pas au Canada.
Une belle surprise pour moi a été de constater, dans les conversations que nous avons eues sur l’île Wasan, à quel point les gens étaient sérieux et réfléchis concernant l’amélioration de la couverture médiatique des questions autochtones à la suite des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation.