Note : Cet article a été publié à l’origine dans The Nature of Cities. Il est affiché ici avec la permission de l’auteur.
On se souvient du mot de C.S. Lewis cité par le regretté Robin Williams dans le film La société des poètes disparus : « On lit pour savoir que l’on n’est pas seul ». Cet aphorisme me fait penser au sacré dans la ville – les espaces, les lieux et les expériences où la révélation de l’individu se connecte au sens collectif – à ce qui permet de fuir et d’être enchanté dans la vie de la cité.
Le sacré évoque des pouvoirs mystérieux, l’épanouissement de l’être, la quête de la nature au plus profond de soi, la biophilie, oïkos – le chez soi. Le chez soi en soi-même. Le chez soi dans la ville, dans les milieux urbains fréquentés chaque jour. On peut trouver le sacré dans les lieux où l’on fuit – un jardin calme et propice à la méditation, une terrasse au sommet d’une tour où la vie est tout près, mais assez loin pour qu’on puisse y échapper. Ou le baiser magique volé dans une ruelle achalandée à la végétation si luxuriante qu’elle offre des cachettes au crépuscule. Ou dans des lieux qui stimulent intensément la vue. Le sacré, et les paysages sacrés, peuvent exprimer une nature essentielle – celle d’une personne, d’un collectif, d’un lieu, d’une ville – où l’on communie avec les autres, où l’on se réfugie pour se nourrir l’esprit, se régénérer l’âme et reprendre contact avec des forces et des instincts primaux. Le sacré dans la ville est aussi affaire de sensibilité, qui exacerbe le ressenti de la dimension affective de l’être; les perceptions sensorielles (l’odorat, l’ouïe, la vue, le toucher et le goûter); le désir, la spiritualité, l’enchantement et la convivialité.

La Mud Maiden est une sculpture vivante créée par Sue Hill et Pete Hill en collaboration avec la nature. Situé à Cornwall, en Angleterre, ce site est sacré à mes yeux en raison du symbolisme de la jeune fille de boue et de sa beauté qui se modifie sans cesse. Photo: Jayne Engle
Comment aménager et gérer les espaces urbains de façon à nourrir le sacré et à stimuler l’enchantement dans les milieux quotidiens – à transformer les villes en des lieux plus verts, à dimension plus humaine? Voici quatre idées.
- Considérer l’espace comme sacré. Chaque site est important. Il peut surgir des espaces sacrés n’importe où si nous croyons que « le site est à la ville ce que la cellule est au corps». L’espace ne doit pas être marchandisé ou consommé, il doit être chéri. Pour reconnaître pleinement la valeur de l’espace urbain, il faut considérer l’utilisation et l’évolution des sites au cas par cas – plutôt que de façon mécanique, ou selon les diktats du zonage classique.
- Veiller à ce que l’espace urbain fasse voir les récits du passé, les valeurs du présent et les possibles de l’avenir. Dégager les dimensions temporelles de l’espace suppose que l’imagination – individuelle et collective – s’élève au niveau de l’action, par l’expression et le mouvement citoyens, comme dans la Marche de Jane et les festivals 100 en un jour. De concert avec les gens, les artistes peuvent inventer des moyens de mieux évoquer de façon symbolique dans l’espace urbain le caractère sacré du passé, représenter ce qui nourrit l’esprit des gens aujourd’hui et les possibles dont ils rêvent pour l’avenir.
- Définir le sacré et le cartographier. Par la planification participative et l’action citoyenne, les gens peuvent définir le sacré et décider ce qu’il vaut la peine de préserver. Quelques exemples : 1) cartographie, photographie et vidéos participatives, et recherche collective des espaces sacrés pour cibler des lieux ou des éléments de l’environnement que les gens ont à cœur et qu’ils veulent préserver; et 2) récits et traditions locales – création de récits sur la dimension humaine de la ville pour révéler le rôle sacré de la nature dans la ville et les précieux sites naturels qui nourrissent l’esprit.
- Assouplir les règles pour laisser place à la création. Les citoyens peuvent créer collectivement et rêver ensemble dans leurs espaces urbains quand les appareils de réglementation assouplissent les règles de temps à autre, notamment en appuyant l’expérimentation urbaine – installations d’urbanisme éphémère, projets de guérilla jardinière et collaborations être humain-nature – et en n’interdisant pas systématiquement les fêtes spontanées dans la rue.
Pour se nourrir, l’esprit humain a besoin d’espace quotidien et il s’exprime sur une base quotidienne; il peut s’épanouir quand les gens s’approprient de façon imaginative, et souvent collective, des lieux tels que les parcs, les cafés, les places publiques, les toits – n’importe quel lieu.
Finalement, trouver le sacré dans ville, c’est savoir que l’on n’est pas seul.