L’avenir de l’alimentation : du personnel au mondial

 
Hand with wheat grains
Ruth Richardson_FRArticle d’invité par Ruth Richardson, directrice générale de l’Alliance mondiale pour l’avenir de l’alimentation
Nous avons un rapport intime avec l’alimentation : elle cimente nos familles et rassemble la collectivité en plus de nous nourrir. Les aliments sont aussi des marchandises, avec la production et le commerce d’envergure mondiale au carrefour des enjeux les plus pressants auxquels se bute l’espèce humaine — changements climatiques, pauvreté, santé publique, déplacements de population. Nos systèmes alimentaires et agricoles sont incroyablement résilients et diversifiés. Et pourtant, ils sont aussi fragmentés et trop souvent, non durables : la production alimentaire épuise de plus en plus nos ressources naturelles, tous n’ont pas accès à des aliments sains et nutritifs, et nos marchés mondiaux appauvrissent les économies locales plutôt que les bâtir.
L’Alliance mondiale pour l’avenir de l’alimentation nous réunit pour étudier ces enjeux d’importance cruciale. À titre d’alliance stratégique de fondations, nous voulons mettre nos ressources en commun afin d’élaborer des cadres de changement susceptibles d’accélérer collectivement la transition vers de nouveaux systèmes alimentaires garants de la durabilité, la sécurité et l’équité en alimentation, à l’opposé des systèmes marqués par la faim, la pollution, la rareté de l’eau et le déclin des cultures alimentaires.
Water and Sanitation
Pour y arriver, il faut se pencher sur l’économie de l’alimentation et plaider pour une comptabilité alimentaire équitable et transparente. En appuyant des projets tels que Food Tank et la TEEB pour l’agriculture et l’alimentation, nous voulons mettre en lumière les distorsions économiques des systèmes alimentaires. Nous élaborons pour cela des cadres qui tiennent compte à la fois des éléments positifs (piégeage du carbone, services de pollinisation, santé) et négatifs (émissions de CO2, diabète, exposition des travailleurs agricoles aux toxines, acidification des océans) des «?coûts externes?» de la production, la distribution et la consommation d’aliments dans les systèmes mondiaux. Comme l’a déclaré SAR le prince de Galles dans son discours célèbre sur l’avenir de l’alimentation, ce qu’il nous faut, c’est «?… quelque chose de très simple… qui nous permet d’inclure dans le résultat net les coûts réels de la production alimentaire… c’est plus nécessaire que jamais.?»
 fish
Une autre priorité pour nous est de faire le lien entre les systèmes alimentaires et leur impact sur la santé et le bien-être des personnes. Nous avons récemment chargé un groupe international d’experts, IPES-Food (Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables) de faire la synthèse de la recherche actuelle en ce qui a trait aux impacts sur la santé de certains systèmes alimentaires, avec le souci d’explorer l’économie politique qui sous-tend la prise de décisions et de déceler les principales sources de défaillance du marché. Nous croyons qu’il s’agit d’un travail crucial pour élaborer des mesures proactives susceptibles de promouvoir des politiques et des pratiques qui vont protéger la santé, et pour transformer la perception publique du lien étroit entre notre santé et non seulement ce que nous mangeons, mais aussi la façon dont nos aliments sont produits, transformés, transportés, préparés et vendus.
wokcooking
Nous sommes aux prises avec des difficultés énormes, mais l’histoire démontre qu’ensemble, nous pouvons accomplir des merveilles. Comme le dit le poète Seamus Heaney, «?le raz-de-marée tant attendu peut déferler, et histoire peut rimer avec espoir?». C’est pourquoi nous amorçons un projet intitulé Beacons of Hope, dont le but est de recueillir des preuves qu’il est possible et réalisable que l’avenir de l’alimentation soit durable, sécuritaire et équitable; de réunir ceux et celles qui y travaillent; et de diffuser des récits d’espoir et de succès.
Cette tâche extrêmement difficile exige beaucoup de temps, mais elle est aussi essentielle qu’urgente. Nous sommes des fondations indépendantes ayant chacune leurs priorités particulières. Mais quand il est question de l’avenir de l’alimentation, nos différences s’amenuisent alors que chacun d’entre nous s’engage à jouer un rôle individuel et collectif dans la réforme des systèmes alimentaires.
 


Où tourner les yeux pour trouver inspiration, idées et vision sur l’avenir de l’alimentation? 

Pour ce qui est de l’inspiration, je pense qu’il faut aller voir ce qui se fait de bien à d’autres paliers. Le premier exemple qui me vient à l’esprit est la ville de Belo Horizonte au Brésil, qui a lancé une campagne de lutte à la faim en faisant du droit à l’alimentation un droit civique fondamental. L’élément novateur de cette campagne est son caractère pluridimensionnel. Plutôt que de se limiter à l’aide alimentaire, par exemple, la campagne adopte une approche holistique : production alimentaire locale, pratiques agroécologiques, renforcement mutuel entre politiques nationales et politiques locales, développement économique et développement des marchés, et la liste continue. Axée à l’origine sur le problème de la faim dans une seule ville, cette approche systémique a apporté de nombreux avantages au pays tout entier.

Quels sont vos aliments réconfortants?

Mon aliment doudou, c’est la soupe – à peu près toutes les soupes, mais voici quelques-unes de mes favorites. Comme l’écrit Tamar Adler dans un de mes livres préférés : «?Il y a une grande dignité à définir soi-même ce qui est bon… Les choses étaient-elles plus simples avant, ou meilleures alors? Impossible de le savoir! Mais nous savons que les gens ont toujours trouvé des moyens de bien manger et de bien vivre – à partir de l’eau bouillante ou du pain ou des fèves. Et nous savons aussi que notre meilleur repas à vie n’était pas forcément le plus exotique, le plus cher ou le plus compliqué – c’était souvent quelque chose de simple et de familier. En être conscient, c’est sans doute la meilleure façon de cuisiner, et certainement la meilleure façon de vivre.?»


 

À propos de l’auteure:

Ruth Richardson est directrice générale de l’Alliance mondiale pour l’avenir de l’alimentation, une coalition unique de fondations qui ont décidé de mettre leurs ressources en commun pour faciliter la transformation des systèmes alimentaires et agricoles afin d’en accroître la durabilité, la sécurité et l’équité. À ce titre, Ruth siège au comité directeur de la TEEB pour l’agriculture et l’alimentation dirigée par le PNUE ainsi qu’au comité consultatif du Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan. Elle siège aussi au conseil d’administration d’Écojustice – le seul organisme caritatif national canadien voué au droit de l’environnement, qui depuis 25 ans remporte des batailles juridiques au profit des personnes et de la planète.
 
Ce blogue fait partie de la série L’alimentation au futur. Nous voulions savoir à quoi ressembleront les aliments du futur? Où allons-nous, où voulons-nous aller et que pouvons-nous faire pour changer les choses? Au cours des six prochains mois, nous tendrons le micro à 12 penseurs en matière d’alimentation au Canada pour tenter de répondre à ces questions cruciales.

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