Article d’invité par Eric Enno Tamm, directeur général, ThisFish
L’industrie des pêches est le plus ancien de nos systèmes alimentaires. C’est vraiment le dernier vestige de notre société de cueilleurs-chasseurs, précédant de centaines de milliers d’années la civilisation humaine (et l’agriculture). La pêche d’espèces sauvages est notre plus importante source de protéines non domestiquées – la diète paléolithique originale. La technologie et le caractère industriel de la pêche ont sans doute changé au fil des siècles, mais la quête de poisson dans les mers indomptées remonte très loin dans le temps.
Quel est donc l’avenir de cette antique quête? La révolution des technologies de l’information et l’évolution de l’attitude et du comportement des consommateurs offrent la possibilité de renverser une bonne partie des excès de la pêche industrielle du dernier demi-siècle. Les problèmes sont maintenant bien trop flagrants.
Consommateurs, entreprises, ONG et gouvernements exigent plus de transparence et de responsabilisation dans les chaînes d’approvisionnement – pour prévenir la pêche illégale, les produits de la mer frauduleux et les violations des droits de la personne. Après avoir testé l’ADN de 1200 échantillons de produits de la mer aux É.-U., les artisans de la campagne Oceana ont démontré que 30 % de certaines espèces étaient mal étiquetés. Des enquêtes récentes ont dévoilé des récits choquants d’esclavage en mer dans le secteur des pêches en Asie du Sud. Et des universitaires estiment que 20 à 32 % des produits de la mer sauvages importés aux É.-U. sont récoltés de façon illégale.
Les activités illicites nuisent particulièrement aux pêcheurs responsables qui doivent concurrencer le secteur des produits de la mer illégaux et moins chers. Malgré le caractère unique des produits de la mer sauvages, l’industrie des pêches reste une industrie de marchandises. Elle ne différencie pas les produits selon leur région de provenance ou leur mode de production, contrairement au vin, au fromage, au café et à d’autres produits alimentaires artisanaux. En l’absence de traçabilité, les pêcheurs ont souvent peu d’incitation financière à agir de façon responsable ou à offrir des produits de qualité supérieure.
Le groupe de travail du président des É.-U. sur la pêche illégale et les produits de la mer frauduleux a fait quinze recommandations, dont plus de la moitié portent sur la traçabilité. «?La traçabilité est un outil crucial pour combattre les activités illégales qui menacent de précieuses ressources naturelles, augmentent le risque d’insécurité alimentaire dans le monde et pénalisent les pêcheurs et les producteurs qui respectent la loi?», a récemment déclaré un représentant haut placé du gouvernement des É.-U.
En 2009, un groupe de pêcheurs a approché l’organisme sans but lucratif vancouvérois Ecotrust Canada pour mettre sur pied un système en ligne de traçabilité des produits de la mer afin de respecter les exigences réglementaires et améliorer l’image de marque de leurs prises. Le résultat? ThisFish (www.thisfish.info), un système web qui permet au consommateur de savoir quand, où, comment et par qui ont été récoltés les produits de la mer qu’il consomme.
ThisFish démontre bien comment un simple petit changement dans un système complexe et adaptatif peut être à l’origine de comportements transformateurs. Essentiellement, la traçabilité crée de la transparence, qui augmente à son tour la responsabilisation des acteurs de la chaîne d’approvisionnement. La responsabilisation accrue modifie les comportements, ce qui entraîne des avantages sur le plan économique, écologique et social. En gros, on extirpe les mauvais comportements et on récompense les bons. Notre vision est celle d’un monde où les technologies de l’information donnent aux producteurs et aux consommateurs les moyens de créer une industrie des produits de la mer plus socialement responsable et plus durable.
Nous savions dès le départ qu’il fallait une technologie itérative, souple et évolutive à cause de la diversité des espèces, des pêcheries et des entreprises de l’industrie, et de la complexité des chaînes d’approvisionnement. L’industrie des produits de la mer englobe des milliers d’espèces et des millions de pêcheurs et d’entreprises à petite échelle. Cette remarquable diversité biologique et entrepreneuriale est la plus grande force de l’industrie.
Avec la baisse importante du coût de la technologie – tant de l’équipement informatique que des logiciels –, les exploitants à petite échelle peuvent maintenant accéder à des applications mobiles puissantes, à des logiciels et à des systèmes de contrôle électronique pour fonctionner de façon plus efficace et plus transparente. Les téléphones intelligents presque omniprésents donnent à tous la capacité de se connecter directement aux producteurs de nos produits de la mer.
Cela fait seulement un demi-siècle que nous avons perdu le contact avec ce que nous mangeons. Tout au long de l’histoire de l’humanité, la plupart des gens ont produit eux-mêmes leurs aliments ou les ont achetés directement d’un producteur local. De façon ironique, c’est la technologie qui a le pouvoir de nous reconnecter à nos aliments, et permettre un retour vers l’avenir du poisson.
Vers qui faut-il se tourner pour trouver inspiration, idées et vision sur l’avenir de l’alimentation?
Future of Fish (www.futureoffish.org) est un organisme sans but lucratif qui accomplit beaucoup de travail sur le poisson d’origine connue (traçable) et la transparence des chaînes d’approvisionnement. ThisFish participe activement à son bloc de traçabilité. L’organisme a développé un vaste réseau d’agents de changement dans le secteur des produits de la mer.
Quel est votre aliment-doudou?
Les bâtonnets de courgette frits.
Ce blogue fait partie de la série L’alimentation au futur. Nous voulions savoir à quoi ressembleront les aliments du futur? Où allons-nous, où voulons-nous aller et que pouvons-nous faire pour changer les choses? Au cours des six prochains mois, nous tendrons le micro à 12 penseurs en matière d’alimentation au Canada pour tenter de répondre à ces questions cruciales.
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