La réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones, c’est l’affaire de chacun d’entre nous

Nicole_Blog AuthorIl y a des événements qui restent gravés à jamais dans la mémoire. Pour moi, ce qui est arrivé le mercredi 11 juin 2008 en fait partie. Ce jour-là, j’étais au White Buffalo Youth Lodge à Saskatoon, aux côtés de centaines de survivants des pensionnats indiens, alors qu’ils écoutaient le premier ministre présenter ses excuses pour les violences et les négligences commises dans ces écoles pendant plus d’un siècle.
J’avais commencé à travailler avec des survivants des écoles l’année précédente. J’ai toujours été attirée par ce qui me permet d’avoir un impact sur la vie des gens. C’est sans doute pourquoi je me suis retrouvée dans la fonction publique. Mon premier poste était à Service Canada, où j’ai participé au Paiement d’expérience commune, un volet de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

Présentation d'excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens en 2008

Présentation d’excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens en 2008


Quand on m’a offert le poste, j’avais des appréhensions, mais j’étais emballée à l’idée de travailler sur cet enjeu. Je savais que les politiques des gouvernements précédents visaient à « sortir l’Indien de l’enfant » – cela s’est traduit par la maltraitance brutale d’enfants autochtones. Les survivants commençaient à raconter ce qu’ils avaient vécu, et leurs récits parlaient de violences affectives, physiques et sexuelles. J’avais peur que le fait d’écouter leur histoire serve de déclencheur à mon expérience personnelle. J’ai vécu de la violence sexuelle dans mon enfance, par un membre de ma famille – une personne responsable de mon bien-être a plutôt abusé de ma vulnérabilité. Je savais ce qu’on ressent; je savais ce que ça peut faire à quelqu’un.
Mais les choses se sont passées autrement. À mesure que les survivants s’ouvraient et partageaient leurs expériences avec moi, j’apprenais à vivre mon propre processus de guérison. J’étais bien placée pour comprendre le sentiment de colère et de trahison exprimé par plusieurs. Quand ils ont amorcé leur processus de guérison en trouvant leur voix, j’ai été capable de guérir moi aussi. Je savais que je n’étais pas seule et que c’était correct de vouloir dépasser le stade de la colère. Je serai toujours reconnaissante de la force et la résilience exprimées par les survivants que j’ai rencontrés en cours de route; ils m’ont aidée à devenir la personne que je suis aujourd’hui.
Presque sept ans après les excuses du premier ministre, la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) a tenu son événement de clôture à Ottawa, du 31 mai au 3 juin 2015. J’étais là. L’événement, le rapport final et les recommandations m’ont donné le temps de réfléchir à ce qui était survenu depuis les excuses, et d’établir si les gestes posés depuis étaient fidèles aux sentiments exprimés à l’époque.
En rétrospective, je peux voir s’amorcer certains changements positifs :

  • Plusieurs survivants ont trouvé le courage de s’ouvrir et de raconter ce qu’ils ont vécu dans les pensionnats indiens, le bon comme le mauvais;
  • Plus de gens sont maintenant au courant de la politique des pensionnats du gouvernement et de son impact sur les familles autochtones. Ils sont encore trop nombreux à ignorer notre propre histoire, mais c’est en train de changer;
  • Plusieurs nouveaux organismes à l’extérieur du gouvernement, notamment dans le secteur philanthropique, sont maintenant actifs et déterminés à trouver des solutions aux conditions déplorables que vivent un grand nombre d’autochtones au Canada;
  • On sent un regain de fierté à l’endroit des cultures et des langues autochtones; à bien des endroits, on célèbre maintenant l’apport des peuples autochtones et on reconnaît qu’ils font partie intégrante du tissu social canadien.

S’il commence à y avoir des signes positifs, ça ne veut pas dire que le travail est terminé — bien au contraire. L’événement de clôture de la CVR marque le début d’un nouveau chapitre pour les peuples autochtones et non autochtones au Canada, un chapitre où nous avons tous un rôle à jouer. La réconciliation est un processus tout aussi personnel que communautaire; c’est l’affaire de toute la population canadienne, autant que celle des Autochtones.
Si vous voulez apporter votre contribution et que vous vous demandez quoi faire, voici quelques recommandations de la CVR :

  • Offrez du temps ou des services à titre bénévole lors d’une activité communautaire.
  • Faites votre éducation et informez-vous au sujet des pensionnats et de leur impact en assistant à un événement communautaire ou national.
  • Signez la banderole virtuelle Ça me tient à cœur et montrez à tout le monde que la vérité et la réconciliation, c’est important pour vous.
  • Organisez un club de lecture sur le thème de la vérité et la réconciliation.
  • Faites pression pour que le 11 juin soit déclaré journée nationale de la réconciliation.
  • Faites pression pour que l’on modifie le programme d’étude au primaire afin d’y intégrer de l’information sur le système des pensionnats indiens.

Vous tous, survivants qui êtes encore des nôtres aujourd’hui, vous avez démontré une force et un courage remarquables. Si vous n’aviez pas accepté de raconter ce que vous avez vécu, nous n’aurions jamais pu le documenter et tirer des leçons d’un sombre chapitre de l’histoire du Canada. Nous ne vous oublierons jamais non plus, vous tous qui avez été placés dans les pensionnats indiens, mais qui êtes morts avant d’avoir pu raconter votre histoire. Nous allons honorer votre mémoire en veillant à ce que plus jamais aucun enfant au Canada, autochtone ou non, n’ait à vivre ce que vous avez vécu. Ce n’est pas la fin, c’est un début!