Andrew Means
Andrew Means est directeur de Beyond Uptake, l’organe d’innovation philanthropique d’Uptake, une entreprise de science des données de l’Internet des objets fondée à Chicago, ainsi que cofondateur de l’entreprise The Impact Lab et fondateur de Data Analysis for Social Good.
Enfant, que rêviez-vous de faire plus tard?
Means : Je voulais être pilote dans les endroits les plus reculés du monde. Je rêvais de voler vers les régions éloignées de l’Afrique ou de l’Asie du Sud-Est et de distribuer des fournitures humanitaires.
Qu’êtes-vous devenu?
Means : Pendant et après mes études collégiales, j’étais travailleur auprès des jeunes du primaire et du secondaire. Je me demandais sans cesse comment savoir ce qui fonctionne en matière de changement et d’innovation sociaux. J’ai étudié pour devenir un expert en données.
Qu’est-ce que l’innovation sociale?
Means : L’innovation sociale est difficile à définir. Je crois que le principe de base consiste à penser différemment pour résoudre les problèmes mondiaux les plus importants.
Pouvez-vous nous parler un peu du rôle de l’expérimentation dans le contexte de l’innovation sociale?
Means : L’expérimentation joue un rôle très important puisqu’il faut mettre les idées à l’essai pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous n’apprenons rien en faisant toujours les mêmes choses. L’innovation se nourrit de nos apprentissages. L’expérimentation est une composante essentielle de l’innovation sociale et devrait faire partie intégrante du processus.
Pouvez-vous nous parler de l’expérimentation du point de vue des données? Comment permet‑elle d’améliorer les résultats?
Means : Les professionnels des données aiment l’expérimentation. Elle permet de tirer des conclusions avec confiance. Habituellement, un expert en données préconise une expérimentation accrue. Dans le contexte de l’innovation sociale en particulier, les données jouent un rôle tout à fait unique et servent à différentes fins. Par exemple, elles peuvent nous dire si nos efforts portent leurs fruits. Elles sont donc, à mon avis, un outil essentiel à l’évaluation de l’innovation sociale. La véritable innovation sociale doit chercher à résoudre les problèmes qui nécessitent une intervention. Les données peuvent nous aider à évaluer notre capacité à ce chapitre. De plus, le stockage de données sur des serveurs et en format binaire influence notre façon de fonctionner et nous offre de nouvelles possibilités. Nous pouvons réaliser des interventions qui seraient impossibles sans la technologie numérique.
Quelle est la mentalité d’un innovateur social?
Je crois que la mentalité d’un passionné de données liées à l’innovation sociale découle de ses motivations. Les gens qui travaillent dans les domaines interdépendants de l’innovation sociale et des données sont animés d’une curiosité intellectuelle. Ils aiment apprendre et résoudre des problèmes difficiles et complexes auxquels d’autres se sont heurtés, et ils le font pour le bien de l’humanité. Ils souhaitent changer le monde de façon concrète et mettre à profit leur passion et leurs capacités intellectuelles pour le bien d’autrui ou pour résoudre un problème qui les touche.
Y a-t‑il quelque chose en particulier qui s’inscrit dans votre vision du monde?
Means : J’accorde une grande importance à la rigueur. Je suis guidé par le besoin de mettre les données au service de la résolution de problèmes. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à la politique, et je ne crois pas que les organismes sans but lucratif devraient passer leur temps à chercher du financement. Je n’ai pas non plus beaucoup de temps pour débattre de tout ça. Notre raison d’être est la résolution de problèmes : nous devrions travailler à résoudre des problèmes, savoir lorsque nous réussissons et chercher à améliorer nos interventions.
Toutefois, j’admets sans hésiter qu’il y a des choses qui ne peuvent pas et ne doivent pas être mesurées. La contribution de certains organismes sans but lucratif est parfois intangible, et c’est très bien ainsi. Je siège au conseil d’une organisation de financement pour l’enseignement des arts à Chicago, et certains des groupes avec lesquels j’ai eu à collaborer amènent les enfants au musée, à des concerts symphoniques ou à des spectacles. Ce travail est très important. Les expériences enrichissantes de ce genre m’ont beaucoup marqué quand j’étais plus jeune. Cependant, il m’est difficile d’affirmer qu’une personne est devenue ce qu’elle est aujourd’hui parce qu’elle a assisté à un concert de l’Orchestre symphonique de Chicago lorsqu’elle était enfant. Nous ne sommes pas en mesure de tout évaluer, mais lorsque nous le pouvons, nous devons le faire correctement.
Les données peuvent être très utiles, mais elles ne peuvent pas pour autant régler tous les problèmes. Même si nous leur accordons une grande importance, elles n’ont pas préséance sur tout. Nous devons nous en servir lorsqu’elles peuvent nous être utiles, et les mettre de côté dans le cas contraire.
Comment l’innovation sociale passe-t‑elle d’une idée à un changement profond?
Means : Essentiellement, il faut proposer beaucoup d’idées, faire de nombreux essais, mener des expériences de façon précoce et fréquente, puis laisser tomber les idées qui ne fonctionnent pas et miser sur celles qui fonctionnent. C’est un processus continu et répétitif. Dans le secteur privé, il existe d’excellents mécanismes pour stimuler la croissance. Les incitatifs à l’investissement et les incitatifs financiers qui permettent d’accroître le capital sont inexistants dans le domaine de l’innovation sociale. C’est l’aspect le plus difficile de l’innovation sociale. Il peut être très difficile d’attirer du capital, notamment au démarrage, lorsqu’il s’agit d’obtenir de l’aide financière à haut risque. Une fois que l’idée a fait ses preuves, il est tout aussi difficile d’obtenir du capital, puisque les personnes qui investissent dans des projets nouveaux et innovants le font habituellement dès le début, lorsque le risque est le plus élevé. Si l’idée a déjà fait ses preuves, on se contente de nous souhaiter bonne chance. Il est difficile d’augmenter la portée des initiatives d’innovation sociale. Nous n’avons tout simplement pas les mêmes incitatifs financiers que le secteur privé.
Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir et vous motive au travail?
Means : Les progrès accomplis me donnent de l’espoir. Il y a cinq ans, nous n’aurions pas pu imaginer que 300 personnes se réuniraient à Toronto pour parler de données, de partage de données et de technologie des données.
Nous constatons maintenant qu’un nombre suffisant de personnes vont plus loin en créant des outils et en offrant des services d’une nouvelle manière, que des organismes sans but lucratif font preuve d’innovation, et que les gouvernements et la société civile établissent de nouveaux partenariats. Tous ces progrès sont encourageants. Même si les résultats sont minimes à l’heure actuelle, il faut se rappeler qu’ils n’existaient pas il y a peine quelques années.
Ce qui m’apporte aussi de l’espoir, c’est que je crois que la technologie peut nous aider à résoudre des problèmes. Nous devons régler d’énormes problèmes avec peu de moyens. Nous n’avons pas de temps ni de ressources à perdre. J’ai la conviction profonde que nous pouvons bâtir un monde meilleur comme jamais nous n’aurions pu le faire il y a 20, 30 ou 50 ans. Je ferai tout ce que je peux pour concrétiser cette vision de l’avenir.