Nous sommes à un tournant décisif.
Après un siècle de développement soutenu dans le domaine de l’innovation technologique et commerciale, et plusieurs décennies consacrées à comprendre le code de l’innovation sociale, le moment est venu de créer un système d’innovation intégré.
On reconnaît depuis longtemps l’innovation comme vitale à la réussite commerciale et économique d’une nation. Cependant, les citoyens se sont fiés aux effets de retombée des avantages découlant d’innovations commerciales ou technologiques pour mener à un bien?être sociétal plus vaste. Malheureusement, les problèmes sociaux, économiques et écologiques actuels, qui vont des maladies chroniques pouvant être évitées à l’exclusion sociale, en passant par le chômage chez les jeunes et les changements climatiques, deviennent de plus en plus importants, graves et urgents. Ils n’attendront pas une innovation de type « laissez-faire ».
Il est possible de mieux connecter et aligner les besoins de la société et les avantages de l’innovation. Exploiter le pouvoir combiné de l’innovation sociale et de l’innovation de masse (technologique et commerciale) représente la grande occasion du XXIe siècle.
L’innovation de masse renvoie à un écosystème sophistiqué de ressources technologiques, commerciales, financières et humaines qui sont connectées pour produire de l’efficacité, des bénéfices et, de plus en plus, un dérangement. L’innovation sociale se déroule surtout en marge de la société et vise à faire face aux grands défis écologiques et sociaux du XXIe siècle. Elle cherche à combler des failles considérables dans notre tissu social, qui deviennent encore plus évidentes alors que les anciens systèmes ne fonctionnent plus ou ne parviennent pas à utiliser de nouveaux outils, comme l’économie comportementale, la conception axée sur la personne, l’intelligence collective et les données ouvertes et massives.
Il est urgent de passer à l’action pour mettre en place une nouvelle mentalité en matière de collaboration. Celle?ci doit inclure les outils et les technologies modernes, ainsi que le savoir issu de tous les secteurs relativement à l’innovation, au comportement social, au capital social, à la collaboration et aux réseaux. Nous avons besoin d’un système novateur propulsé par un paradigme d’innovation intégrée et une économie axée sur les solutions.
LE STATUS QUO NE FONCTIONNE PAS
Selon un rapport de l’OCDE, les pays de l’OCDE ont consacré plus d’un cinquième de leurs ressources économiques à la protection sociale publique en 2014. On estime que 17 % du PIB du Canada, ou 338 milliards de dollars sont consacrés aux dépenses sociales. Aux États?Unis, on parle de 19,2 %, ou 3,4 mille milliards de dollars US, et en Espagne, le chiffre s’élève à 26,2 %.
À côté de quoi passons-nous en n’ayant pas de système d’innovation national intégré plus inclusif, capable de donner lieu à des résultats sociaux vigoureux et améliorés? Comment pouvons-nous réorienter les investissements considérables injectés dans des programmes sociaux qui sont principalement structurés pour atténuer plutôt qu’éliminer les problèmes de société? Comment pouvons-nous favoriser un écosystème d’innovation alimenté par la motivation?
Le problème n’est pas que nous ne posons pas ces questions, ou encore, que nous ne mettons pas en place d’innovations sociales, ou ne travaillons pas à résoudre des problèmes sociaux dans des domaines cruciaux.
Le problème est que nos efforts demeurent marginaux compte tenu de l’étendue des problèmes.
NOUS AVONS BESOIN DE PLUS : NOUS DEVONS TRANSFORMER LE SYSTÈME D’INNOVATION
Nous devons transformer le système d’innovation en adoptant intentionnellement une orientation axée sur les solutions. Voici ce que cela suppose :
- But : résoudre de grands problèmes dans le cadre de notre recherche d’une prospérité et d’un bien?être inclusifs.
- Processus : innovation sociale, commerciale et STIM.
- Acteurs : secteur public, entreprises, organisations de la société civile, communautés marginalisées, médias, universités.
- Règles directrices : de nouveaux paradigmes de collaboration et de concurrence, de nouveaux principes d’ouverture et d’ascendance, et de nouvelles formes d’interfonctionnement et de durabilité.
L’investissement public devra jouer un nouveau rôle, un qui honorera la mission cruciale du gouvernement dans la création de marchés et l’encouragement de périodes de changement transformateur.
L’économiste Mariana Mazzucato souligne ceci dans sa recherche avant-gardiste sur l’investissement public :
Les marchés sont « aveugles » et l’orientation qu’ils fournissent en matière de changement renvoie souvent à des résultats sous-optimaux d’un point de vue de société. C’est pourquoi les États ont dû mener la charge pour aborder les enjeux sociaux et dicter l’orientation vers de nouveaux paradigmes « technoéconomiques », qui n’émergent pas spontanément des forces du marché.
Madame Mazzucato estime que le gouvernement doit continuer à jouer le rôle de partenaire indispensable et souvent audacieux face au secteur privé, éliminant le risque des orientations fondamentales pour l’essor des marchés. En reconnaissant le gouvernement comme un investisseur public, il devient possible de réattribuer de vastes ressources (actuellement utilisées pour consolider des systèmes fragiles qui ne répondent pas aux besoins du public) à une mission commune d’innovation intégrée pour atteindre une prospérité partagée et inclusive.
Ça ne sera pas facile. Comme le souligne Andy Stirling, un collègue de madame Mazzucato et professeur à l’Université du Sussex :
Plus les défis en matière d’innovation sont grands (comme la pauvreté, les problèmes de santé ou les dommages environnementaux), plus il est important d’avoir des politiques efficaces. Les difficultés liées aux politiques d’innovation vont au?delà de l’idée simpliste voulant que les gouvernements tentent de « choisir des gagnants ». Il s’agit de cultiver les conditions d’enrichissement mutuel les plus fructueuses pour la société dans son ensemble, de semer et de choisir collectivement de nombreuses solutions de rechange, et, ensemble, de nourrir celles qui semblent les plus productives. Cela implique de délibérer, de négocier et de construire de manière collaborative de la signification du terme « gagnant » et non seulement de la meilleure façon de gagner.
DE L’ADHOCRATIE À DES SYSTÈMES TRANSFORMÉS
On trouve des cas exemplaires où l’innovation sociale et l’innovation de masse ont convergé pour produire des résultats sociaux et économiques transformateurs, par exemple le Partenariat Grameen-Danone, le mouvement des coopératives et le Toronto Atmospheric Fund. On se doit toutefois de passer de réussites exceptionnelles en marge de la société à une mentalité répandue en ce qui concerne l’innovation intégrée.
Pour y arriver, nous allons nous fier à des plateformes d’hébergement agiles pouvant connecter activement l’innovation sociale, commerciale et STIM grâce à des responsabilités partagées et des systèmes de soutien. Le but est de développer à la fois l’expérience, les capacités et les connaissances locales, ainsi que des preuves, des connaissances et des modèles mondiaux. Ici au pays, Grands Défis Canada est un exemple original et s’attaque aux problèmes de santé mondiaux qui touchent les pays en développement.
À court terme, il faudra repenser l’origine et le rôle de l’innovation. Celle-ci doit être perçue comme un processus qui entraîne directement, et non sous forme de laissez?faire, des avantages publics. Pour aligner plus concrètement les systèmes d’innovation à une prospérité inclusive et des résultats sociaux, il nous faudra voir sous un nouveau jour la valeur, les pratiques et la mise en application de tous les aspects de l’innovation.
Nous voici au tournant décisif : la possibilité multisectorielle d’utiliser pleinement notre créativité, nos capacités de recherche, nos connaissances et nos ressources pour aborder les problèmes sociaux, économiques et écologiques les plus urgents afin d’encourager une prospérité et un bien?être durables.
Il est à noter qu’Innobasque a déjà publié des versions espagnole et basque de ce blogue en Espagne.