Les camions de nourriture de rue, l’identité culturelle et la justice sociale

Par Julian Agyeman Cities for People McConnell Fellow

Le paysage alimentaire urbain change rapidement. Il est désormais possible de se faire servir des tacos aux poissons, des petits gâteaux vegan, des pizzas gourmets ou des côtes levées BBQ par des gens à bord de camions bien remplis, tournant au ralenti et souvent peinturés de couleurs criardes. Ces camions font partie d’un phénomène plus vaste que l’on appelle la « nourriture de rue ». Bien que ce phénomène soit courant dans les pays du Sud, on observe de plus en plus de camions du genre dans de nombreuses villes et campus du Canada et des États-Unis, ce qui est le sujet du livre. Au cours des dernières années, des citadins de tout genre, c’est-à-dire des fins gourmets, des fêtards, des touristes connaisseurs ou économes, des employés de bureau, des travailleurs de la construction et des étudiants, se sont tournés en grand nombre vers ces nouveaux commerces sur roues pour se délecter de nourriture originale, authentique et souvent abordable. Dans la rue, et sur le plan collectif, ces camions représentent en effet « un urbanisme magique sur quatre roues », une affirmation puissante de « l’urbanisme éphémère » et de la création de places culturelles.

À New York, les preuves indiquent incontestablement une différence de traitement par les politiciens locaux et leur personnel de mise en application selon que les vendeurs soient perçus comme des trucksters, c’est-à-dire des entrepreneurs légitimes à la mode, ou des hucksters, c’est-à-dire des immigrants illégaux.

Bien que certaines villes qui accueillent des camions de nourriture de rue encouragent leur prolifération, d’autres leur bloquent la voie par l’entremise de réglementation. Dans certaines villes américaines comme Portland en Oregon et Los Angeles en Californie, la vente de nourriture de rue n’est pas un phénomène si récent. À Los Angeles, la communauté latino/immigrante a apporté avec elle des traditions de nourriture de rue de nombreux pays, qui sont représentées par les camions que l’on appelle les loncheras. Du côté de Portland, la facilité du processus d’octroi de permis a donné lieu à une évolution graduelle du phénomène, la vente de nourriture de rue faisant désormais partie intégrante de l’expérience gastronomique et touristique hipster reconnue de la ville. À New York, les preuves indiquent incontestablement une différence de traitement par les politiciens locaux et leur personnel de mise en application selon que les vendeurs soient perçus comme des trucksters, c’est-à-dire des entrepreneurs légitimes à la mode, ou des hucksters, c’est-à-dire des immigrants illégaux.

Le livre adopte un point de vue original, soit celui de la justice sociale, pour se pencher sur le phénomène des camions de nourriture de rue dans les villes nord-américaines, de Los Angeles à Montréal. Il examine les facteurs de motivation des villes à promouvoir ou limiter la vente de nourriture de rue, ainsi que la manière dont ces facteurs peuvent favoriser ou entraver des objectifs plus vastes de justice sociale. Les nombreux collaborateurs abordent la mise en application discriminatoire des règlements, les hipsters embourgeoisés faisant souvent l’objet d’un traitement de faveur par rapport aux immigrants, la question des camions de nourriture de rue comme partie intégrante du développement économique communautaire et le rôle des camions dans la création d’une identité culturelle. Ils décrivent entre autres la réalité de Portland en Oregon, où la facilité du processus d’octroi de permis encourage la nourriture de rue, la criminalisation des camions de nourriture de rue en vertu des codes de santé de Los Angeles et de New York, la nourriture comme monnaie culturelle à Montréal, la bifurcation sociale et spatiale de ces camions à Chicago et à Durham en Caroline du Nord, et l’utilisation des camions de nourriture de rue par la Ville de Vancouver pour s’autoproclamer la « ville la plus verte » du Canada.

Disponible chez MIT Press