Favoriser un engagement régulier des participants pour un impact maximal

Article d’invité par Anna Godefroy, Directrice, l’initiative Binners Project
Bien qu’elle soit relativement récente, l’initiative Binners’ Project est souvent reconnue pour sa nature communautaire authentique et son engagement envers la communauté. Pourtant, assurer la participation des membres demande un effort soutenu de la part du personnel. Il s’agit là d’un défi courant au sein de nombreux organismes communautaires.
Le Binners’ Project vise avant tout à réduire les stigmates entourant la fouille des poubelles. Le personnel du projet et les fouilleurs (appelés aussi Valoristes à Montréal) collaborent pour créer de nouvelles occasions de revenus. Nous y arrivons en encourageant les rencontres en personne entre les fouilleurs de poubelles, les résidants et la communauté dans son ensemble, et ce, à Vancouver et à Montréal.
Binners’ Project faisait au départ partie de l’initiative Des villes pour tous, qui était soutenue par l’organisme One Earth. Après avoir obtenu une subvention de la Fondation de la famille J. W. McConnell pour l’année 2015-2016, nous avons pu tester plusieurs programmes pilotes. En seulement un an, ces derniers ont connu un essor et nous avons constaté beaucoup d’intérêt de la part des fouilleurs de poubelles, et du public. Binners’ Project est maintenant un projet de Tides Canada’s shared platform, qui soutient le travail sur le terrain.
Malgré l’enthousiasme des participants, compter sur une implication constante de leur part représente un de nos plus grands défis cette année. La fiabilité et la participation régulière sont en effet une source d’anxiété pour notre personnel alors que les demandes des clients et de la communauté augmentent.
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L’évaluation communautaire réalisée au printemps 2016 a montré que les membres qui s’impliquaient régulièrement dans le projet ressentaient un impact considérable sur leur bien?être global. Toutefois, la plupart des membres manquent de stabilité dans leur vie, ce qui les empêche de bénéficier pleinement de nos programmes. Les obstacles incluent une incertitude en matière d’hébergement, des dépendances, des troubles de santé mentale, des invalidités, de l’abus, des tensions liées à l’appartenance sexuelle et de l’itinérance. Il n’y a aucun doute que ces réalités constituent un frein à l’engagement continuel.
Après avoir organisé régulièrement des rencontres et des ateliers pendant deux ans, nous sommes désormais convaincus que l’accent doit être mis sur la création d’une toile de personnes interconnectées. La meilleure stratégie pour résoudre le manque de constance en matière d’implication est de bâtir un réseau solide, autour des membres et parmi ceux-ci.
Cette stratégie repose sur deux piliers fondamentaux : des rencontres répétées et le réseautage des pairs. Nous observons déjà des résultats encourageants, même s’il demeure trop tôt pour tirer des conclusions.
Selon nous, les rencontres répétées sont la clé du succès pour engager les membres à moyen et long terme. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre des rencontres fréquentes et un rythme qui serait accablant pour nos membres (comme ces derniers sont quotidiennement confrontés au défi de survie, les rencontres diminuent le temps consacré aux fouilles pour trouver les objets recyclables leur permettant de gagner leur vie). Nous avons remarqué que des rencontres régulières offraient aux gens une connexion accrue avec leur environnement et une plus grande confiance quant à leur capacité à relever de nouveaux défis et à respecter des engagements.
Des rencontres hebdomadaires fixées au préalable exigent un travail important de la part du personnel. Par contre, elles procurent une structure et une stabilité à des personnes dont la vie manque souvent des deux. Le fait que cela leur permet de redécouvrir le sentiment d’attente, qui peut être un signe précurseur de ce que signifie l’appartenance à une communauté, est possiblement encore plus important.
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Bâtir un réseau de pairs : Fouiller les poubelles dans la rue est une activité hautement concurrentielle. C’est pourquoi les fouilleurs sont souvent marginalisés et à l’écart de leur communauté. De plus, la majorité d’entre eux n’ont pas accès à Internet, à des téléphones cellulaires ou même à des téléphones filaires.
Dans le but de faciliter la connexion, notre groupe a choisi deux fouilleurs de poubelles pour agir comme chefs d’équipe. Leur rôle est de trouver des moyens de communiquer avec les gens dans la rue et de les aider à s’organiser pour qu’ils puissent respecter leur engagement envers le projet. Cela implique souvent de cogner à leur porte (quand ils en ont une) ou de marcher dans le quartier Eastside du centre-ville de Vancouver en espérant les croiser.

Grâce au réseau de pairs, le rôle des chefs d’équipe dépasse nos attentes, ces derniers effectuant un suivi des problèmes d’hébergement, des problèmes de dépendance et de l’état mental des autres fouilleurs de poubelles.

 
Les nouveaux membres admirent les chefs d’équipe et peuvent discuter avec eux de leurs questions ou préoccupations. Il est souvent difficile pour des personnes habituées à vivre et à travailler seules de se joindre à un groupe. Nos programmes ont pour but de briser l’isolement des fouilleurs de poubelles, tout en développant leurs compétences générales pour qu’ils puissent devenir financièrement autonomes. Les chefs d’équipe jouent donc un rôle important en appuyant les nouveaux membres durant les premières étapes du processus, qui peuvent parfois être intimidantes, et ce, jusqu’à ce que ces derniers puissent profiter pleinement des avantages du projet.
Les problèmes d’engagement ne sont pas rares lorsqu’il est question d’initiatives communautaires. Certaines voient leur existence menacée en raison d’un manque d’engagement des participants, et ce, malgré un impact prouvé sur la vie de leurs intervenants. Il ne faut toutefois pas voir cela comme un manque d’enthousiasme de la part des membres, ou un manque de pertinence pour le groupe desservi par l’organisme.
Les résultats montrent que nos programmes sont populaires et qu’ils améliorent réellement la vie des gens. Seul le temps nous dira si les solutions décrites plus haut contribueront à résoudre le problème à long terme, mais nos premiers constats sont prometteurs.