Vous est-il arrivé de vous promener dans un quartier familier de Montréal et d’avoir la surprise de découvrir un terrain que vous n’aviez jamais remarqué auparavant? En l’examinant de plus près, vous pourriez voir des pas dans la neige, ou un sentier en terre battue. Il y aura peut-être des graminées rustiques en fleur ou un tricot graffiti multicolore enroulé autour d’un arbre. Un frôlement dans les buissons? C’est peut-être un lapin ou un écureuil en quête de nourriture. Mais surtout, il y aura le silence – l’impression d’être en marge du brouhaha de la vie urbaine juste à côté. Wild City Mapping est un nouveau projet amorcé par « un collectif d’artistes, de défenseurs des espaces verts, d’amants de la nature et de geeks ».
Son but est de documenter les espaces verts de Montréal à travers les yeux des personnes qui les utilisent et de propager des activités de cartographie similaires dans d’autres villes en offrant un modèle répétable, créé à partir de logiciels libres comme MapBox, ainsi que des cartes détaillées faites à la main, comme celle qui figure ci-dessous (voir ici plus d’information sur la cartographie éphémère).
L’approche adoptée par Wild City Mapping pour documenter et raconter les terrains vagues à Montréal rejoint nos idées sur la création de villes résilientes où il fait bon vivre. D’abord, le fait d’insuffler des récits personnels aux espaces urbains peut nous amener à les voir autrement, au-delà de leur valeur pour le développement. Cela met aussi en lumière des façons de les utiliser autrement que pour des activités approuvées (comme le transport ou le commerce), ce qui favorise la résilience urbaine. L’une des caractéristiques de la résilience – notamment dans les villes – est la polyvalence : quand un espace est flexible, il peut être utilisé par diverses personnes à diverses fins. Une fois admis que les espaces non définis sont résilients du simple fait qu’ils sont ouverts à toutes les possibilités, nous pouvons inscrire ce type de travail dans la reconnaissance plus large de la valeur qu’il y a de conserver la fluidité des espaces pour les adapter à l’évolution du contexte urbain. De fait, l’un des éléments clés de Wild City Mapping est la dimension temporelle – la façon dont les espaces verts sauvages ont changé et changent encore au fil du temps ainsi que la documentation des activités réalisées dans ces espaces.

Carte du Parc des Gorilles dans le quartier Mile Ex : des icônes de couleur décrivent les diverses activités au fil des années (photo)
Vu le discours dominant en matière de croissance et de développement économique à Montréal, il y a quelque chose de presque subversif dans le fait de préserver délibérément des espaces sans en prévoir l’utilisation. Wild City Mapping soulève des questions essentielles : comment définir le domaine urbain au-delà du discours actuel axé sur la croissance et le développement? Comment planifier des espaces au-delà de ce discours et développer d’autres discours axés sur des espaces planifiés autrement? Comment mieux saisir et donc mieux élaborer des systèmes de valeurs pour ces espaces complexes et parfois déroutants, ces oubliés de la planification?
Malgré le caractère assez unique du travail de Wild City Mapping à Montréal, on peut faire des liens avec des projets dans le même esprit ailleurs dans le monde. Ainsi, Lara Almarcegui – une Espagnole qui crée des installations d’envergure exigeant souvent la reconceptualisation d’éléments du milieu bâti – remet elle aussi en question notre façon de nous occuper de l’espace. Ses installations Portscapes le long du port postindustriel de Rotterdam sont au cœur même de ce débat. Plutôt que de créer une installation qui impose des structures bâties dans ce milieu pour en altérer le sens, elle a dressé l’inventaire des terrains vagues et négocié avec le conseil de ville en vue de les laisser dans leur état actuel. Le concept d’espaces non aménagés est étranger à l’urbanisme, puisqu’il risque d’être assimilé à l’abandon ou au manque d’entretien – et pourtant, il y a derrière cette liberté des choix et des actions. Les responsables de l’aménagement urbain auraient intérêt à considérer comment la décision consciente de ne pas bâtir peut contribuer à la santé, au mieux-vivre et à la résilience des villes.

Le Champ des possibles : « Pour moi, le plus important de cet espace, c’est qu’il N’EST PAS impeccable, contrôlé, aménagé… N’Y TOUCHEZ PAS!!! » (Photo offerte par Wild City Mapping)
Cliquer ici pour en savoir plus sur l’équipe de Wild City Mapping et ses collaborateurs. Pour en savoir plus sur le processus de cartographie des espaces verts à l’état sauvage, plongez dans les récits des membres fondateurs Maia Iotzova, Igor Ron?evi? et Dominique Ferraton. Connaissez-vous un espace vert à l’état sauvage à Montréal? Faites-le connaître à Wild City Mapping.