Building Reconciliation Forum de 2017 : trois leçons apprises

Par Jennifer Lockerby, la boursière du programme Re-Code

À l’occasion de la troisième édition du forum annuel sur la réconciliation intitulé Building Reconciliation Forum qui s’est tenu à l’Université du Manitoba, des Autochtones et des colons ont discuté des progrès, des possibilités et des défis liés à la réconciliation dans l’éducation postsecondaire.

D’abord, j’aimerais remercier les gens qui m’ont accueillie, moi, un colon, qui me suis rendue sur le territoire du Traité no 1. Ma condition de colon limite intrinsèquement ma compréhension des questions autochtones au Canada. Toutefois, à titre d’alliée racialisée et d’étudiante depuis peu, je crois pouvoir fournir un point de vue utile à mes pairs colons qui travaillent dans le secteur postsecondaire.

Voici les trois principales conclusions que je retiens du forum (ces points de vue sont les miens et ne reflètent pas forcément ceux de la fondation McConnell).

  1. L’« autochtonisation » des établissements coloniaux exige leur décolonisation.

[Traduction] « La décolonisation et l’autochtonisation vont de pair. La décolonisation représente un défi, et l’autochtonisation constitue une guérison. » – Jacqueline Ottman, Ph. D.

La question de la réconciliation au sein d’un établissement secondaire est compliquée et sûrement impossible à résoudre dans le cadre d’un congrès de deux jours. Par contre, nous pouvons commencer par constater les faits : la grande majorité des universités et des collèges canadiens sont des établissements coloniaux. Ils sont des espaces coloniaux qui privilégient les traditions du savoir européen occidental. Dans une histoire qui se poursuit aujourd’hui, nombre d’entre eux ont contribué à l’effacement des peuples, des langues et de la culture autochtones. La reconnaissance même de ce fait suffit à s’interroger sur la possibilité d’une réconciliation dans le secteur postsecondaire canadien; plusieurs participants du forum ont souligné cet épineux problème. Néanmoins, je crois que les établissements postsecondaires sont capables d’appuyer la guérison des collectivités autochtones tout en portant la responsabilité de leur histoire coloniale.

Pour les non‑Autochtones, la guérison et la responsabilisation doivent se faire tant au sein des établissements qu’à l’échelle personnelle. Par exemple, bien qu’il soit absolument nécessaire d’embaucher davantage de professeurs autochtones et de reconnaître publiquement les territoires autochtones traditionnels, ces gestes de réconciliation ne sont pas suffisants. Les non‑Autochtones doivent reconnaître leurs propres privilèges et œuvrer activement au changement de la dynamique de pouvoir sur les campus. En quoi profitez-vous des perspectives offertes par le Canada aux colons? Comment vos études se comparent‑elles à celles offertes aux collectivités autochtones? Après avoir mis au jour les systèmes qui profitent à certains et en désavantagent d’autres en fonction de caractéristiques identitaires, nous pouvons commencer à réfléchir aux conséquences de nos mots et de nos actes, sans égard à nos intentions.

  1. Nous ne pouvons pas demander aux étudiants, aux professeurs et aux administrateurs autochtones de faire ce travail de réconciliation.

Ce point n’est pas nouveau, mais il est tellement important que je dois le rappeler. Comme le résume Marcia Anderson, titulaire d’un doctorat et professeure à l’Université Guelph : « Les Blancs doivent parler aux Blancs pour que les Autochtones n’aient pas à porter tout le fardeau émotionnel de ce travail. » [Traduction]

L’épuisement professionnel est courant, surtout pour un membre d’une minorité, qui est vu comme le représentant de toute sa communauté. Nous devons reconnaître que la responsabilité de la réconciliation dans le milieu de l’éducation repose principalement sur les épaules des colons.

Comment être sincères et authentiques dans nos efforts de correction de l’éducation coloniale? Comment éviter de traiter nos collègues autochtones comme des figurants? Sans prétendre donner une réponse exhaustive, j’imagine qu’il faut d’abord faire un effort personnel pour connaître les nations autochtones en se servant des ressources disponibles au lieu de demander des explications à nos pairs autochtones.

  1. L’« expertise » ou la « connaissance » dans un contexte universitaire doit être redéfinie pour inclure les modes de connaissance autochtones.

Ce point a également été reconnu par le passé. L’expertise et la connaissance sont sans doute les richesses les plus importantes possédées et produites par toute université. Qui détient la connaissance à l’université? Quelle valeur accordons-nous à différents types de connaissance? Qui définit l’expertise? Voilà des questions sur lesquelles les dirigeants et les professeurs doivent se pencher pour rendre les universités équitables. Les établissements postsecondaires du Canada doivent considérer comme sources d’érudition valables l’expertise vécue, les récits oraux et les modes de connaissance autres que ceux auxquels nous sommes habitués.

Ralph Nilson, président de l’Université Vancouver Island, a annoncé pendant le forum des présidents que les aînés résidents (article en anglais seulement) et les professeurs titulaires de doctorat étaient au même échelon de rémunération. Cette mesure est au cœur de la valorisation des connaissances autochtones : solliciter les connaissances et la sagesse autochtones, les intégrer pleinement et les honorer (en rémunérant les aînés en conséquence).

Prochaines étapes

Sur une note d’espoir, le Building Reconciliation Forum a expliqué que les dirigeants de nombreux établissements se montraient résolus à favoriser la réconciliation au sein de leurs collectivités et sur leurs campus. Cependant, il faut s’interroger sur l’idée que se font les établissements de la réconciliation, ainsi que sur leurs pratiques qui en découlent, pour s’assurer qu’elles sont en phase avec les besoins des collectivités autochtones.

Et pour la suite? Le leader étudiant autochtone Chance Paupanekis a réclamé qu’on en finisse avec les discussions et les réunions et qu’on passe véritablement à la « réconcili-action ». L’une des revendications fondamentales des étudiants autochtones qui participaient au forum portait sur les programmes et les diplômes en langues autochtones. Cette revendication rejoint l’Appel à l’action no 16 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui enjoint aux universités et aux collèges du Canada d’offrir de tels programmes. C’est un domaine clairement défini auquel des ressources peuvent être consacrées, et c’est un très bon début.

J’ai entendu à plusieurs reprises pendant le congrès qu’« il y a tant à faire » pour opérer une réconciliation dans nos établissements postsecondaires. Cependant, qui fera le travail? Et quand? Les collectivités autochtones ont recommandé aux établissements, au gouvernement, ainsi qu’aux milieux des affaires, communautaire et philanthropique de nombreuses mesures en faveur de la réconciliation. Comme colons, nous avons la responsabilité de les mettre en œuvre.