Bâtir des collectivités aidantes : repenser les services aux personnes ayant une incapacité développementale

Blogue d’invité par Gord Tulloch, Directeur of d’innovation, PosAbilities

Avez-vous déjà vécu une crise de confiance sur le plan professionnel? Qui remet en question la base même de votre travail et de votre carrière?

Nous sommes quatre organismes (posAbilities, Burnaby Association for Community Inclusion, Inclusion Powell River et Simon Fraser Society for Community Living) qui se sont butés ensemble à un problème troublant : pourquoi les personnes ayant une incapacité développementale font-elles si rarement partie de la vie de la collectivité? Pourquoi sont-elles si souvent isolées dans des programmes et des services au lieu de s’épanouir dans la collectivité? Et quel est notre rôle là-dedans?
Avec la désinstitutionnalisation, il y a plus de quarante ans que des milliers de personnes sont sorties d’établissements énormes pour s’installer dans des foyers de groupe supervisés. Malgré notre désir de répondre à la mission de notre fondateur, une bonne vie dans un milieu accueillant, les personnes ayant une incapacité développementale ne sont pourtant pas intégrées à la vie de la collectivité. Pas vraiment. Ce fut le point de départ du changement pour nous : on a beau faire, on a beau dire, on a beau essayer – il faut admettre que ça ne fonctionne pas.
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Ajoutez-y l’argument de John McKnight dans A Careless Society, qui illustre la façon dont les systèmes professionnels se sont approprié notre devoir personnel de prendre soin les uns des autres. Les soins sont devenus l’affaire de l’État et des professionnels, on les a sortis de la sphère personnelle.
Ajoutez-y ce que dit Michael Sandel au sujet des limites morales du marché, sur le fait qu’acheter certaines choses, c’est forcément les corrompre. On peut acheter des votes ou des amis, par exemple. Quoi qu’on en retire, ça ne sera jamais de la démocratie ou de l’amitié. Alors, comment cela s’applique-t-il aux services sociaux? Dans quelle mesure prendre soin des gens devient-il une marchandise fournie par l’État et transformée en prestation de services?
Ajoutez-y David Hume qui a dit en 1751 que la justice était une vertu réparatrice; on l’invoque seulement quand les vertus fondamentales (générosité, bonté, etc.) ont échoué. Notre secteur tire son origine de la lutte de personnes, de familles et d’alliés en vue d’obtenir une représentation dans les institutions politiques, juridiques et sociales. Un travail important. Essentiel, même. Mais comment bâtir une société où il y a plus de bonté, plus d’ouverture et plus d’empathie?
Ajoutez-y le fait que le rôle des organismes de services sociaux se limite souvent à un triage social – ceux qui ont les besoins les plus criants reçoivent des services et les autres doivent attendre. Mais qui remonte en amont pour s’occuper des déterminants sociaux du bien-être des personnes (et des collectivités)?
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Ajoutez-y le travail de l’économiste Stefano Zamagni, qui estime que l’économie sociale est humiliante et qu’elle a des effets pervers, parce qu’elle n’est pas fondée sur la réciprocité. Il n’y a pas échange de biens – il y a seulement ceux qui donnent et ceux qui prennent. Et c’est déshumanisant.
Ajoutez-y le rapport de la Vancouver Foundation (2012) sur les déconnexions et l’engagement, qui illustre de façon si éloquente que la déconnexion sociale touche tout le monde, pas seulement les personnes ayant une incapacité. C’est notre problème à tous et il faut développer une grammaire du nous pour le résoudre.
C’est l’ajout de tous ces éléments qui a précipité ma crise de confiance professionnelle, notre crise de confiance. Et c’est l’élan qui a donné naissance à Building Caring Communities (BCC), une équipe de bâtisseurs sociaux, qui bâtit des cercles sociaux autour des personnes qui ont une incapacité et qui sont isolées sur le plan social. Le mois prochain, j’explorerai ce que ce nouveau service est en train de nous apprendre.