Par Danica Straith, Ashoka et Chad Lubelsky et Jen Lockerby de Re-Code
Plus tôt ce mois-ci, nous avons été quelque 800 éducateurs, étudiants et administrateurs du domaine de l’impact social à nous réunir à Boston pour l’Ashoka U Exchange annuel. Forts de la conviction que les études supérieures ont été – et sont encore – des moteurs du changement dans le monde, nous avons trouvé à cette conférence des moyens d’accélérer le changement et d’en accroître la portée.
Avant l’Exchange, Ashoka et Re-Code ont tenu pour une troisième année le Jour du Canada. Cette activité préalable est devenue instantanément une tradition en 2016. Malgré sa courte histoire, les participants ont généralement convenu que l’édition de cette année était différente.
L’un des faits saillants du Jour du Canada a été la Marche des Mennonites (merci à Paul Born!) – une marche qui a permis de prendre l’air et de faire connaissance. À tour de rôle, les deux personnes jumelées écoutaient leur partenaire en silence, pour une période de temps donnée. Les participants ont eu l’amabilité de nous faire confiance et de plonger dans ce processus quelque peu insolite de prime abord. Au bout du compte, on nous a dit que ça avait été l’activité la plus populaire de la journée. C’était un bon rappel du travail requis pour bâtir une collectivité, de l’importance d’accompagner quelqu’un avec un but et une intention, et du besoin de jeter des ponts et d’améliorer notre écoute.
Selon les stades de développement du groupe de Tuckman, nous aurions été par le passé aux stades de la constitution (forming) et la normalisation (norming), et serions maintenant en mesure de nous préparer à une certaine tension (storming). Dans notre bilan organisationnel, nous avons décelé un niveau de profondeur et de confiance qui ne se sentait pas auparavant – même si nous n’en avions franchement pas conscience. Donald Rumsfeld et la fenêtre de Johari ont raison : parfois, on ne sait pas ce qu’on ne sait pas.
Nous avions déjà exprimé le désir d’échanger et de travailler ensemble, mais cette année, le ton et la dynamique laissent croire que nous sommes en meilleure position de le faire. Ainsi, par le passé, nous accordions beaucoup d’importance à la mise sur pied de groupes de travail après le Jour du Canada, alors que cela ne semble pas le cas cette année. Les écoles ont pris l’initiative de se contacter directement entre elles pour faire progresser le travail. À titre d’organismes intermédiaires, Re-Code et Ashoka sentent que c’est une transition positive – d’un réseau élémentaire en étoile à un réseau intelligent, où les personnes et les organismes sont vraiment connectés.
Nous nous réjouissons aussi de l’immense fierté des Canadiens devant l’impact et les progrès réalisés au pays. Certes, il reste beaucoup à faire, mais nous voyons du changement et c’est peut-être seulement parce que le temps est venu de le faire. Quelques exemples de l’ampleur et la portée de l’activité au Canada : des écoles sont de plus en plus connectées entre elles et avec la collectivité, on voit se multiplier les possibilités pour les étudiants de recevoir une éducation adaptée au 21e siècle et des maisons d’enseignement commencent à intégrer une culture autochtone à l’université, notamment en intégrant le savoir autochtone au curriculum. Un autre indicateur est le fait que les gens ont cessé d’être obsédés par la sémantique de la création du changement – « voici comment nous définissons l’entrepreneuriat social… » ou « j’ai l’impression que vous parlez d’économie solidaire alors que nous parlons d’économie sociale » et ainsi de suite. Nous savons que les mots sont importants pour travailler ensemble de manière efficace. Sentir une base de confiance même quand une personne n’utilise pas le bon mot est donc une victoire énorme pour le mouvement. Le sentiment qui domine, c’est que tout le monde avance dans la même direction.
Le travail de réconciliation est une occasion précieuse d’opérer un changement radical dans les institutions postsecondaires au Canada. Cette année, les organisateurs d’Ashoka Exchange ont reconnu un droit territorial pour la première fois, suscitant diverses réactions : curiosité, confusion, inspiration. Et le plus important peut-être, un certain malaise – mais nous savons que le malaise est nécessaire, autant pour la réconciliation que pour le changement social.
Sur le plan personnel, en tant que représentants de collectivités de colons, nous sommes souvent embarrassés de parler de réconciliation à d’autres collectivités de colons. Pourtant, c’est aussi notre devoir d’avoir ces discussions et il est injuste de s’attendre à ce que les collectivités autochtones soient les seules à le faire. Alors, pourvu qu’il évite de définir les expériences autochtones, c’est la responsabilité du colon de soutenir le dur travail de réconciliation. Nous devons ajouter que la diversité du groupe de participants ne reflétait pas la diversité du Canada. Il faudra faire mieux l’an prochain.
Nous sommes revenus chez nous. Si le quotidien – répondre à un courriel, aller à une réunion, lire un rapport – remplace peu à peu l’adrénaline de la conférence, il nous reste des questions fondamentales, auxquelles il n’est peut-être pas possible de répondre. Sur le plan qualitatif, se passe-t-il au Canada quelque chose de différent de ce que nous avons constaté par le passé? Si c’est le cas, de quoi s’agit-il et comment pouvons-nous mieux appuyer ce changement? Et surtout, que pouvons-nous faire pour être sûrs que nous travaillons activement à remplir la promesse des études postsecondaires : garantir l’égalité des chances pour TOUS les Canadiens.