Alimentation gazéifiée

Beth-author-FRL’impact de la production, la transformation, la distribution et la consommation des aliments sur l’émission de dioxyde de carbone fait l’objet d’inquiétude et de débats depuis que les changements climatiques ont commencé à nous préoccuper. Il n’y a pas que le Coca-Cola et le Pepsi qui sont gazéifiés dans notre alimentation : les systèmes alimentaires produisent entre le cinquième et le tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.[1]
Une bonne part de ces émissions provient de l’agriculture, mais on note l’effet croissant du transport, de la réfrigération, des pratiques de consommation et de la gestion des déchets. Les entreprises du secteur alimentaire peuvent prendre des mesures pour réduire leur empreinte carbone – et plusieurs le font déjà. Un rapport produit récemment par un titulaire de subvention de la Fondation, Climate Smart, souligne ce que 77 entreprises du secteur alimentaire de la C.-B. ont fait pour réduire leur bilan carbone, entre autres, Left Coast Naturals (distributeur), Van Houtte (café), Recycling Alternatives (recyclage de biocarburant) et Tacofino (camions de cuisine de rue).

Source : Climate Smart, Carbon Emissions in the Food and Beverage Sector, 2014

Source : Climate Smart, Carbon Emissions in the Food and Beverage Sector, 2014


Climate Smart estime qu’une réduction de 5 % des émissions de GES dans le secteur des aliments et boissons de la C.-B. ferait économiser aux entreprises 100 millions $ en frais de fonctionnement d’ici 2020, en plus de réduire de 250 000 tonnes les émissions de GES de la province. Cela équivaut à retirer 48 136 voitures de la circulation.
Dans l’esprit du concept de valeur partagée popularisé par Kramer et Porter, ce qui est bon pour le climat est souvent bon pour le portefeuille. Mais l’alignement n’est pas toujours parfait. Ainsi, les déchets enfouis constituent, à 32 %, la source principale des émissions de GES d’un fabricant de produits alimentaires cité dans l’étude – mais ils représentent seulement 12 % des coûts. C’est l’inverse pour l’électricité, qui produit seulement 5 % des émissions de l’entreprise, mais représente 50 % de ses coûts (voir l’illustration ci-dessous). Cela souligne l’importance à long terme d’aligner plus adéquatement le prix des produits sur leur coût social et environnemental, notamment de mettre un prix sur le carbone.
Food Manufacturer

Source : Climate Smart, Carbon Emissions in the Food and Beverage Sector, 2014


D’ici là, les entreprises peuvent réduire à la fois les coûts et les émissions de GES en agissant sur tous les fronts. Dans l’exemple des déchets enfouis, des entreprises du secteur alimentaire ont entrepris de créer des programmes de compostage, d’utiliser plus de matériaux recyclables et de réduire l’emballage afin de réduire les émissions.
Nous savons que le kilométrage-assiette, la distance parcourue par les aliments pour se rendre jusque dans notre assiette, ne reflète pas tout à fait l’impact environnemental et qu’il ne donne pas une vision d’ensemble de la situation. Il faut considérer bien d’autres facteurs, dont l’énergie utilisée pour la production – les tomates de serre peuvent exiger plus d’énergie que les tomates des champs – et le mode de transport – il peut être plus efficace de transporter des volumes importants par bateau que de petites quantités par camion. Left Coast Naturals a réalisé qu’à titre de distributeur, 80 % de ses émissions provenaient de sa chaîne d’approvisionnement. Entre autres mesures, l’entreprise a élaboré une fiche de pointage pour les fournisseurs et commencé à appuyer de plus petits producteurs qui pratiquent l’agriculture durable. Autant que possible, le transport par camion a aussi été remplacé par des modes de transport à moindre intensité de carbone, tels que le transport maritime et le train.
De manière plus fondamentale, le choix même des aliments a un énorme impact sur le bilan carbone, puisque certains aliments (les légumes et légumineuses) sont beaucoup plus efficaces que d’autres (les hamburgers…) pour convertir l’énergie en calories. Par ailleurs, l’impact des systèmes alimentaires locaux va bien au-delà de leur empreinte carbone pour englober l’impact économique local, les avantages sociaux du contact direct avec les producteurs, le niveau de connaissance et de confiance (sur la façon d’élever les animaux, par exemple), la fraîcheur des produits et la biodiversité régionale.
Même si cette multitude de niveaux et de facteurs complique le choix au supermarché, il est clair qu’il y a bien des moyens de réduire la gazéification de notre système alimentaire et d’alléger notre empreinte sur la planète. Bravo à Climate Smart d’avoir ouvert la voie!
[1] http://ccafs.cgiar.org/fr/news/press-releases/agriculture-and-food-production-contribute-29-percent-global-greenhouse-gas#.U9orgvldWSo